James Thierrée - Raoul - Théâtre de la Ville



il est grand

il est Beau
il insuffle la vie à tout
il donne le meilleur de lui même
complètement concentré
à 100%
peu importe où
il est comme ça
il a toujours expérimenté à l'intérieur des limites que chacun a en soi
tout le monde aimerait être à sa place
mais il a oeuvré toute sa vie pour être ce qu'il est
c'est un magicien
il répond de façon créative et émotionnelle
à tout ce avec quoi il entre en contact
un gramophone     un violon
des créatures improbables et étranges et drôles aussi
on comprend sa souffrance
celle d'un Robinson Crusoé
un sauvage
un autre isolé absolu
jouant avec le quatrième mur
comme surpris que des gens soient là
à le regarder
mais c'est pas de la pitié
on est obligé de l'aimer
c'est lorsqu'il tombe dans l'amertume
qu'il est véritablement profond et brillant
et comme soudain éclairé d'une luminosité évidente
sans lui tout est vide et désert
quand on pense à lui
on le voit toujours souriant
avec lui tout est plénitude et bonheur
on comprend toujours ce qu'il fait
il a reçu la pantomime en héritage
il faut le voir devenir soudain un centaure
et puis disparaître
réapparaître on ne sait comment
il a fait voeu de ne pas parler
personne ne songera à le lui reprocher
il est musique
sa bouche s'articule et des notes de musique en sortent


mais c'est quand il doit s'absenter
les femmes lui lancent
tu reviens vite


les applaudissements surgissent très vite
en signe de reconnaissance
de savoir où est la fin
d'avoir déjà vu le spectacle forcément
et d'être revenus    pour le plaisir
les applaudissements durent
durent encore
alors il se met à danser    
à cabrioler comme un chien fou
ou ivre et content et fier d'être ce qu'il est


il fait mine de vouloir (enfin) parler
les spectateurs arrêtent d'applaudir
il remonte sa main vers sa bouche
un doigt barre la parole
il s'en amuse
et s'éloigne
en souriant
non sans malice
non sans contentement


l'annonce de son retour sera une vraie fête en soi