Wajdi Mouawad et Stanislas Nordey
Institut du Monde Arabe - lundi 22 mars 2010 - 18h30
Véronique Nordey
Claire Ingrid Cottanceau et Raoul Fernandez
Emmanuelle Béart
Vincent Dissez
il y a un mois au Conservatoire
un des mérites de Raphaël Enthoven
était de donner l'envie de relire Camus
Raphaël recommandait Caligula
qui pourrait apparaître comme une première pièce de jeunesse
et qui passe cependant pour sa pièce maîtresse
mais en lisant le Malentendu
on viendrait à se dire que les metteurs en scène seraient bien inspirés de reprendre davantage Camus
- j'ai lu dans un livre
que le soleil mangeait jusqu'aux âmes
que le soleil mangeait jusqu'aux âmes
et qu'il faisait des corps resplendissants
mais vidés par l'intérieur
mais vidés par l'intérieur
Camus parle directement à la nouvelle génération
que l'on voudrait formater à de l'artificiel toujours ensoleillé
Camus n'est pas souvent joué
en tout cas moins que les Tchekhov Ibsen Strindberg
et faut-il rappeler que le public de théâtre
est pour partie en ce moment encore
composé de personnes de la génération de Camus
est pour partie en ce moment encore
composé de personnes de la génération de Camus
entendre Camus aujourd'hui
serait reconnaître les mêmes phrasé et intonations qu'un Jacques Delors
qui porte lui aussi cet espoir déçu et les mystères
d'un destin qui n'a pas achevé
ce que l'on voulait bien lui prêter
ce que l'on voulait bien lui prêter
premier constat
les Justes affichent quasi complet
les Justes affichent quasi complet
et ce mardi la Colline fait salle comble
Emmanuelle Béart aux côtés de qui Nordey a fait plusieurs manifs et actions de terrain
la justesse du coup de lui demander de participer à cette pièce sur l'engagement
et puis l'installation d'une belle amitié à voir se développer avec le "poète" Mouawad
que Nordey voulait pour jouer son contraire
voir arriver Stepan/Mouawad
- bonjour Dora
avec la candeur d'un enfant de 8 ans
Nordey et Mouawad étaient en rencontre
à l'Institut du Monde Arabe lundi 22 mars à 18h30
le poète donne sa vie pour les mots impossibles
nous entrons dans une société prudente
Nordey et Mouawad étaient en rencontre
à l'Institut du Monde Arabe lundi 22 mars à 18h30
le poète donne sa vie pour les mots impossibles
nous entrons dans une société prudente
la pièce s'ouvre sur un joli truc de metteur en scène
le Coriolan de Schiaretti s'ouvrait sur un entre choc d'épées
les Justes s'ouvre sur l'arrivée de Stepan qui toc toc au plancher
bruit là aussi amplifié et qui crée l'écoute
d'emblé on remarque les trajectoires agencements alignements des comédiens
déplacements comme sur échiquier
déplacements comme sur échiquier
et pourtant à l'IMA
Wajdi Mouawad trouvait un peu suspect
de chercher à maitriser la pureté
le geste pur
Wajdi Mouawad trouvait un peu suspect
de chercher à maitriser la pureté
le geste pur
le geste artistique qui fait peur
le geste c'est pas lui
pas l'intellectuel
pas l'intellectuel
la parole des terroristes est impossible à entendre
la pièce pose la question du meurtre
et du meurtre de masse
et du meurtre de masse
l'Organisation Nordey est à l'oeuvre
(Das System Nordey)
(Das System Nordey)
les comédiens n'en semblent pas conscients
mais il y a un mimétisme évident du metteur en scène sur eux
un principe qui n'est pas nouveau
revoir le Depardieu des années 70
et tout d'un coup l'entendre feutré dans le Dernier Métro
on comprenait que cette douceur venait de Truffaut
ici Nordey imprime aux comédiens une énergie de la parole
qui se trouve canalisée
cristallisée par une gestuelle des mains
cristallisée par une gestuelle des mains
et souvent de la main droite
Nordey a travaillé il y a quelque années avec des sourds et muets et appris le langage des signes
les derniers spectacles de Nordey reposaient sur cette énergie caractéristique
ainsi que sur cette façon que les acteurs ont d'adresser le texte directement au public
et de ne pas se regarder
mais rester dans une totale concentration à l'écoute les uns des autres
Emmanuelle Béart parlera même de troisième oeil
tant les comédiens paraissent évidemment liés
le public viendrait lui même à être gagné par cette concentration
à l'écoute du texte parfaitement articulé
les Justes est une pièce sur l'engagement contre un ordre établi
sur l'engagement pour un idéal
de liberté sans doute
et de fait la pièce ne montre pas les personnages dans leur quotidien
la scénographie serait du coup pour partie abstraite grand plateau vide
avec juste une palissade en fond et ce qui apparait clairement comme une sorte de pont levis
d'où vont se faire nombre d'entrées et sorties
les comédiens sont-ils à l'intérieur / extérieur d'une citadelle ?
la citadelle de leurs questionnements
de leur vérité intérieure ?
les longs vêtements
le personnage central du Duc
la ressemblance frappante entre Damien Gabriac et Kyle McLachlan
les lumières plutôt ocres
plusieurs éléments concourent à faire penser au film Dune de David Lynch
de fait la scénographie va à contrario des clichés sur les terroristes russes de 1905
non Nordey ne les représente pas barbus dans une cave ou dans des bas fonds
Nordey va a contrario de ce cliché
cliché tellement énorme qu'au lendemain des attentats dans le métro moscovite
ce mardi 30 mars 2010
Poutine vient d'exhorter sa police à récurer les égouts de Moscou
les comédiens de Nordey cherchent au contraire la lumière et souvent le ciel
dans des habits aux plis impeccables
ce qui pourrait parfois venir contredire certaines répliques
- même dans la destruction
il y a un ordre et des limites
il y a un ordre et des limites
- il n'y a pas de limites
- ma nièce refuse de donner l'aumône aux pauvres
parce qu'elle a peur de les toucher
on sent Emmanuelle Béart battre à l'appel du plateau et du jeu de ses partenaires
elle apparaît souvent comme une Petite soeur des Peuples
une enfant du désordre qui réagit au monde qui vacille
Camus nous montre les terroristes par le prisme du poète
au(x)quel(s) les spectateurs sont donc invités à s'identifier
ensemble
comédiens et public cherchent la vérité par la parole
si vous voulez des grands Héros
ne choisissez pas la démocratie (Alexis de Tocqueville)
le nouveau terroriste
serait celui qui refuse de lancer la bombe
réfléchit à un autre mode d'action
il ne sera donc pas le Kwisatz Haderach - le Messie de Dune
les personnages se retranchent en vérité derrière l'Organisation
une entité virtuelle bien pratique qui pourrait les délier de leurs responsabilités
dans l'actualité un acte terroriste chasse un accident d'avion
Camus aurait tout à craindre le nihilisme d'aujourd'hui
qu'il redoutait déjà à l'écriture de la pièce
génération effrayée qui a peur
mais solitaire mais solidaire mais solitaire mais solidaire mais solitaire....
la décision de devenir soi même terroriste
parce qu'on aura été subjugué par un discours
Stepan // Staline ?
le jeune Staline a été lui-même terroriste pour ramener de l'argent à son parti
1905 les terroristes Russes
1940-45 l'Occupant appelait les résistants terroristes
1949-51 les Justes
mars avril 2010 les Justes à la Colline
des terroristes en questionnement
mars avril 2010 Ciels à Berthier
les terroristes hors champ
Une vie pour Une vie
je vais supprimer Une vie
et offrir la mienne pour ce faire
et offrir la mienne pour ce faire
offrir sa vie pour sauver le monde
le ramener dans le chemin d'un dieu
la place de la violence
dialogue sur l'amour
qui ne verse pas dans le romantisme
mais interroge la question de porter sa vie
sentiment de dispersion d'éparpillement sur l'idée de groupe
ce moi qui m'encourage à connaître
mais chute réelle de la capacité à être ensemble
nous n'avons pas appris à nous parler
et ceux qui occupent aujourd'hui le terrain de la parole
ne nous donnent vraiment pas l'envie
méfiance vis à vis du groupe
je vous renvoie à la lettre ouverte de Mouawad
aux gens de mon âge
aux gens de mon âge
décloisonner sortir de la scène d'amour impossibilité d'aimer
Stepan est celui qui porte le plus son passé
celui qui tient le plus la légitimité à cette prise de parole
liberté humaine : jamais les choses ne sont arrêtées
ce serait le mythe se Sisyphe
Pasolini est ce brûlé magnifique
il expose la fragilité de l'âme humaine
il a accepté d'écrire
écrire encore et accepter de se tromper
écrire encore et accepter de se tromper
il avait la carapace pour se protéger
les doutes de Camus n'ont pas fait le poids
face aux certitudes de Sartre
les Justes en question
acte de bonté positive
résonnance biblique
le titre non souhaité
venu après les Innocents coupables la Corde
l'amour Maria Casarès
Celui qui ne fut pas choisi d'Annick Perez
traite également du terrorisme
de deux frères en particulier
l'un qui va rencontrer la lumière de la célébrité
l'autre l'engagement
des questions font écho à celles des Justes
son fils était-il un enfant mort né
parce qu'il avait trop vu la mort autour de lui ?
même les assassins ont une mère qui les aime
et ça ne prouve rien
puisque le temps n'existe pas
il a peut-être voulu aller jusqu'au bout d'une expérience
l'expérience de la mort de celui qui la donne
de celui qui la risque
ce qui vous fait peur sans doute
c'est l'obsession de sa propre mort
comme pour trouver une raison sociale et tangible
à son profond mal être
comment sont les bébés assassins
est-ce qu'ils mordent le sein de leur mère ?
la pièce de Camus chez Nordey trouve quasiment 3 épilogues
le Démiurge Laurent Sauvage arrive comme dans Das System de Falk Richter
questionne directement le public
et atteint un beau murmure
- on commence par vouloir la Justice
et on finit par organiser la police
Véronique Nordey trouve a nouveau une belle séquence de comédienne accomplie
dans Incendie elle décochait la dernière droite aux spectateurs
dans Das System
elle tenait un long monologue intérieur
elle tenait un long monologue intérieur
ici elle porte la parole de douleur de Camus
je vous invite à écouter
les entretiens radiophoniques de Camus en 1955
et notamment une dernière lecture de 7' sur la douleur
Véronique Nordey joue devant un rideau rouge
celui de Twin Peaks qui vole au vent des rêves et cauchemars
les voix déformées semblent conforter dans cette séquence l'idée d'un lointain futur
qui ferait de cette pièce et des actes terroristes
un thème toujours d'actualité
un thème toujours d'actualité
les terroristes les Justes (?)
reviennent et synthétisent les thèmes camusiens
reviennent et synthétisent les thèmes camusiens
Comme dit Camus
"les enfants mourront toujours injustement
même dans la société parfaite"
le(s) Juste(s)
aux spectateurs de savoir qui est Juste
un glissement vient en moi depuis quelque temps en tant que spectateur
ressentir comme faux un jeu de comédien
parce que j'aurais voulu le jouer autrement
aux côtés d'Emmanuelle et de Wajdi
je me serais bien vu jouer avec besoin épidermique le rôle d'Ivan Kaliayev
mon prénom me fait encore souvent passer pour russe
si vous connaissez Emmanuelle
dîtes-lui que j'aurais bien voulu l'épouser
le temps d'une cinquantaine de représentations
Camus disait déjà que
chacun cherche à faire de sa vie une oeuvre d'art
c'est le destin de tout artiste d'être enterré