Sergio Leone : il était une fois un roublard











mon père voulait faire du théâtre
mais ses parents ne voulaient pas en entendre parler
cela se passait au début du siècle
mon père était né en 1879...
il faut rappeler qu'à cette époque
le théâtre était vraiment tabou dans une famille comme la sienne
si l'on y disait que l'on voulait devenir artiste
on se faisait traiter de Polichinelle
c'était la honte !

mon père avait obtenu son diplôme
et sa famille croyait qu'il était avocat à Turin
en réalité, il était sur les planches

il lui devenait difficile de conserver son véritable nom
sa famille aurait appris la vérité
et on l'aurait excommunié
mon père abandonna le nom de Vincenzo Leone
pour le pseudonyme de Roberto Roberti
bien des années plus tard 
je dus prendre un pseudonyme pour mon premier western
en hommage à mon père 
je me suis baptisé Bob Robertson
Robert, fils de Robert


une histoire de Pocihinelles ?
à comprendre comment fonctionne le monde
en manipulations et manigances
disons il était une fois un Pré Carré






bien sûr, sous le fascisme, les manuels d'histoire étaient truqués
tout y était faux
nous le savions
pendant cette dictature, le mensonge était devenu une institution
même les journaux ne disaient pas la vérité
quand nous les lisions, c'était pour rigoler 
en constatant qu'il n'y avait plus un gramme de réalité dans les articles publiés

moi il m'arrivait de jouer à mettre mon professeur d'histoire en difficulté
je lui demandais des choses qu'il lui était impossible de nous expliquer vraiment



Mussolini était soutenu par les industriels de Turin et de Milan
sans eux, il n'aurait rien pu faire


les membres du parti fasciste
étaient exactement comme ceux que Fellini montre dans Amarcord
la séquence de leur défilé n'a rien d'une caricature
ils étaient comme ces comiques napolitains
qui jouent à être terribles alors qu'ils sont morts de peur
ce n'étaient que des pantins gonflés d'ambitions colonialistes
ce qu'a prouvé la campagne d'Ethiopie


le corps beau est le volatile le plus peureux
de tous les oiseaux 
de mauvais augure





cependant je pense que Mussolini était différent d'eux
il était honnête quand il pensait agrandir l'Italie
en annexant des contrées africaines
il devait être beaucoup moins voleur
que ceux qui l'ont suivi
il était sincère. Dangereux. Con. Mais : sincère
ce qui en définitive est le pire de tout !

mais il faut être juste
aujourd'hui, je sais que le fascisme italien n'était pas comme le nazisme
si nous avions vécu en Allemagne
nous aurions vite été déportés



nous imitions toujours Errol Flynn et Gary Cooper
parfois un de mes amis me disait qu'un de leurs films était mauvais
il justifiait cette affirmation en précisant
le héros meurt à la fin !
la pire des stupidités


imiter Jean-Paul et Simone d'Infectes vues
Karl Son Anorexie Mentale Lagerfeld
les époques ont les héros   qu'elles méditent


mon père découvrit Lido Manetti
il le fit débuter dans Fra Diavolo
à la suite de ce film, Manetti fut engagé à Hollywood
la Fox voulait en faire le nouveau Rudolph Valentino
en trois ans, il devint une star
jusqu'au jour où une voiture le renversa volontairement 
à la porte des studios
cet assassinat avait été organisé par la Maffia juive qui était en relation permanente avec les gens du cinéma
il ne pouvait y avoir d'Italien susceptible de remplacer Rudolph Valentino



pendant la guerre, Rome croulait sous la famine
Moi, à treize ans, j'ai échangé d'anciennes chaussures de mon père
contre vingt-cinq kilos de farine
ce fut une aventure extrêmement dangereuse
je devais ruser avec les milices fascistes
il y avait tout à craindre de l'occupant allemand
il fallait se cacher
les risques étaient énormes
je me souviens que mon père attendait mon retour sur le perron de notre maison
il m'a vu arriver
je pliais sous le poids du sac de farine
alors, mon père a compris tous mes efforts
il m'a tourné le dos et il s'est mis à pleurer


un homme s'invente un associé pour faire fortune
ensuite, il ne peut plus se débarrasser de ce fantôme
il ne lui reste plus qu'à le faire mourir
et quand il assiste aux funérailles
il voit toute la merde qu'il trainait derrière lui
il entend les commentaires de ceux qui suivent le corbillard
il comprend toute la réalité de la vie

                                                                 l'Associé Invisible



mon père était vraiment à gauche
il osait prendre des risques
nous habitions dans le quartier juif
et il s'efforçait de sauver des Juifs menacés de déportation en Allemagne
l'un d'eux s'était fait prendre par les nazis
mon père intervint en affirmant que cet homme était son neveu
c'était de la folie parce que la Gestapo aurait pu enquêter
et tout notre famille se serait retrouvée dans un camp...
mais il s'entêta
il l'extirpa de leurs pattes
et il alla même jusqu'à l'installer chez nous


en Italie, Leone peut indiquer une origine juive
et cela nous causa des problèmes
nous étions chrétiens et italiens
mais notre nom vient d'Espagne
là-bas beaucoup de Juifs avaient pris des noms de villes ou d'animaux
il y existe même une cité du nom de Leone d'Aragon
et Leone veut aussi dire lion
il ne fait aucun doute qu'il y a une branche juive dans notre famille
et puis, beaucoup d'Espagnols ont régné dans divers endroits de l'Italie
la Sicile, Naples, Turin, le Vatican...
comme mon père est de descendance espagnole,
nos origines peuvent être transparentes
cependant, nous pouvions démontrer que nous étions chrétiens
sans compter qu'à Rome, le nom juif était Leoni
le pluriel de Leone
cette courte différence détournait certains soupçons
et pourtant, l'occupation fut une terrible période
surtout à cause de la délation
avec tous ces fascistes qui voulaient gagner de l'argent en dénonçant les Juifs

cependant les Romains aidèrent les Juifs à payer leur poids en or
pour éviter la déportation
Carlo Lizzani a fait un film là dessus : l'Or de Rome
les Allemands avaient promis qu'ils laisseraient les Juifs tranquilles
si ceux-ci payaient leur poids en or
comme il n'y avait pas le compte
des Romains sont venus faire l'appoint
mais plus tard
les déportations ont eu lieu



nous commentions la fin de Mussolini
et nous voyons arriver Alessandro Blasetti
il avait beaucoup milité en faveur du fascisme
nous étions curieux de ce qu'il allait dire
et il n'a pas tardé à nous donner son avis
"C'est terrible! Je me suis trompé. Que de graves erreurs
  nous avons commises pendant toutes ces années.
  Le fascisme a fait sombrer l'Italie dans la tragédie.
  A présent, il faut redresser notre pays. Notre seul espoir,
  c'est qu'il nous vienne un homme qui sache reprendre les choses en main.
  Un homme fort, avec un cerveau immense
  et des couilles énormes..."
Alors mon père l'interrompt pour lui demander : 
- Quelqu'un comme Mussolini ?
Sans réfléchir, Blasetti répond : 
"Oui!"
et puis, il pâlit
il se reprend
il bafouille
mais ce qui venait de se passer là
se déroulait dans toute l'Italie
Personne ne voulait plus d'un Mussolini
mais à l'intérieur des têtes
c'était la même connerie que beaucoup voulaient encore
ils n'avaient rien compris
et il fallut deux ou trois années pour se remettre de cette tragédie


mon père m'avait poussé à étudier le droit
il ne souhaitait pas que je sois artiste
il avait peur du monde du cinéma
c'était devenu trop différent de ce qu'il avait connu dans les années 20
une toute autre ambiance
même sans le fascisme, il aurait eu dû mal à travailler à son aise
il faut le comprendre
c'était un homme du début du siècle
il avait pris l'habitude de traiter les contrats sur parole
de son temps, la loyauté régnait
une poignée de main valait toutes les signatures
après la Seconde Guerre Mondiale, c'était très différent...




j'estimais que Luchino Visconti était un grand metteur en scène
cependant je ne l'ai jamais considéré comme un auteur
on peut le comparer à Toscanini
il est formidable mais il n'est pas Verdi
il est vrai que les réalisations de Visconti étaient superbes
mais je crois qu'il n'avait rien à dire
je lui préférais nettement Germi ou Rossellini 
et puis surtout De Sica 
pour moi, il était le meilleur de tous


Hélène de Troie de Robert Wise
au début du tournage
ces salauds avaient foutu la zizanie
il y avait une totale indiscipline 
lorsque je débarquai sur le film
j'exigeai d'avoir carte blanche
la production accepta
deux jours plus tard
tout était en règle

à cette époque 
j'étais l'assistant le plus demandé d'Italie
(Quo Vadis de Mervyn Leroy - tous les mouvements de foule)
je travaillais continuellement
j'avais un rapport de force contre les figurants qui semaient la merde
ils savaient qu'il était préférable de ne pas me faire de misères
autrement, je les désavouerais et ils ne travailleraient plus jamais avec moi
alors, ils ont eu peur 
j'avais la situation bien en main


aujourd'hui, tout le monde veut devenir metteur en scène
tout de suite
et ce n'est même pas impossible
à cette époque, les assistants avaient une autre mentalité
Petri, Rosi, Zeffirelli ou moi-même
nous appartenions à une autre école
d'abord, nous avions peur de faire des films qui ne marchent pas
car nous ne pourrions pas redevenir assistants
ensuite, nous avions des scrupules vis-à-vis des producteurs
nous ne voulions pas les ruiner en réalisant un premier film
qui n'aurait pas connu de succès


les majors companies américaines avaient plus de moyens
quand ils arrivaient, c'était comme une armée
le Chef, c'était le producteur
sauf pour Ben-Hur, là William Wyler avait carte blanche
et ce fut fou
trois mois d'essais avec les chevaux
avant d'enregistrer la moindre image...

ils fondaient tout sur une organisation des organisants
tout était systèmatiquement cloisonné
jusqu'à l'extrême
moi, j'étais le premier assistant 
si je demandais une épée à l'accessoiriste chargé des armes
il ne pouvait pas me la donner sans avoir obtenu l'accord du chef accessoiriste
il fallait chercher ce dernier
quand on l'avait trouvé 
il venait me voir
je redemandais l'épée
il la donnait au préposé pour qu'il me la donne
cela prenait plus d'une heure !


le Congo était un pays fabuleux
A Stanleyville, il y avait trois mille Blancs
pour cent mille Noirs
les Blancs possédaient des villas luxueuses
Avec de grandes piscines...
et les Noirs vivaient dans la misère

Je travaillais avec des indigènes
ils me regardaient comme si j'étais un saint
uniquement parce que j'avais remarqué qu'ils souffraient de la malaria
et que j'allais leur chercher des médicaments à l'hôpital
jamais un Blanc ne leur avait donné la moindre aspirine
ils les traitaient plus mal que des animaux
c'était logique qu'une révolte violente éclate
on sentait qu'un tel état de choses ne pouvait pas continuer
je l'ai dit aux colons
vous ne le savez pas, mais vous êtes déjà morts
vous êtes des cadavres
on ne peut pas vivre ainsi que vous le faites
sans même donner un cachet d'aspirine à ces hommes
ils vont se révolter
et ils gagneront
en effet, cela ne tarda pas


les derniers jours de Pompéi
les derniers jours des Pompeux Pays

les Chrétiens présentés comme terroristes
les Romains dévorés par 

la  Cupidité
l'   Arrogance
le  Mépris

Simone Weil jugeait les Romains comme les Nazis de l'Antiquité

les SS serait-ils devenus $$

le temps c'est du partage
pas de l'Art Gents


il n'y a rien d'étonnant à ce que les politiciens
soient les amateurs les plus acharnés du western
ils ne cessent de rêver qu'au jour 
où ils pourront se faire justice 
à coups de revolver

















































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